L’abbaye de Lagrasse

C’est par des routes sinueuses que vous arriverez à Lagrasse, ne soyez pas trop pressé. Ce village classé parmi les Plus Beaux Villages de France se cache au cœur du massif des Corbières entre vignes et collines. Le village est surtout connu pour son abbaye, située en dehors des murs de la bastide. Pour rejoindre ce lieu en partant du village, vous traverserez le Pont-Vieux qui enjambe l’Orbieu. D’ailleurs, l’été vous aurez aussi la possibilité d’emprunter le passage à gué tout proche de l’abbaye, une alternative rafraîchissante.

Lagrasse, vue sur le village et l’église St Michel
Le Pont-Vieux

L’abbaye de Lagrasse a été fondée en 779 sous Charlemagne et a été pendant un temps l’abbaye la plus prospère et la plus importante du sud de la France. De loin, on remarque surtout son ancien clocher de 40 mètres de haut ! Et dire qu’il aurait dû atteindre 81 mètres de hauteur ! On remercie Philippe de Levis, évêque de Mirepoix et abbé commanditaire au XVIe siècle, qui avait sûrement la folie des grandeurs, car on peine à imaginer une tour de 80 mètres de hauteur au milieu des vignes ! Les bâtiments sont principalement médiévaux, mais une partie a été achevée au XVIIIe siècle.

A gauche, le village. A droite, la tour-clocher.

Abbaye deux en une

Après la Révolution, les religieux sont chassés, le bâtiment est saisi et vendu en deux lots en 1796. Cette division existe encore, l’abbaye est toujours partagée en deux parties:

  • La partie dite publique, appartenant de nos jours au Département de l’Aude
  • La partie dite privée, appartement à la communauté religieuse des Chanoines réguliers de la Mère de Dieu

Après avoir vu se succéder de nombreux propriétaires, le Département et les Chanoines ont acquis leur partie respective 2004. Depuis, chaque partie est en rénovation et les travaux ne sont pas terminés.

La partie publique

J’ai commencé la visite par la partie publique. Bien que plus petite (environ un tiers du monument), elle abrite la partie plus ancienne. Elle offre également des horaires un peu plus larges que la partie privée. Après la boutique-billetterie, le visiteur arrive dans une petite cour avec de nombreux panneaux explicatifs sur l’histoire du lieu mais aussi les travaux en cours depuis 2004. Le premier logis abbatial s’articulait autour d’une petite cour bordée par des galeries avec des balcons en bois. Ensuite, on traverse le cellier et la boulangerie, pièces médiévales voûtées du XIIIe siècle. Peu d’ouvertures, voûtées, à moitié enterrées, ces pièces favorisaient la conservation des aliments. On trouve également au rez-de-chaussée l’ancienne sacristie et la chapelle basse (en travaux).

Galerie supérieure de la cour abbatiale

En empruntant l’escalier Charlemagne, on se retrouve au premier étage, dans la Tour Préromane, cette tour quadrangulaire est facilement reconnaissable de l’extérieur. Cette tour est un vestige de la partie la plus ancienne du monastère.

Le premier étage de la partie publique abrite surtout l’ancien dortoir des moines. La charpente qui repose sur des arcs de maçonnerie est apparente. Les fenêtres ont été rénovées en 2009. Par une ouverture, on peut apercevoir la chapelle haute, par laquelle on accède après quelques pas via la galerie extérieure. Pour des raisons de conservation, l’entrée n’est pas autorisée, on se contente de l’admirer en restant dans l’entrée.

L’ancien dortoir
Ouverture et miroir sur la chapelle haute
Chapelle haute

La visite de la partie publique se termine dans la salle d’apparat. A la Renaissance, la pièce a été dotée d’un plafond à la française et d’une immense cheminée. De nos jours, la pièce offre une exposition sur le patrimoine des villages environnants.

Parc à l’entrée de la partie publique. Le parc abrite également un petit café.

Je ne vois vraiment pas comment on pourrait se contenter d’une demi-visite. Certes le lieu a été divisé en deux par les aléas de l’histoire, mais il s’agit bien d’un seul et unique bâtiment à l’origine. Il faut donc prendre la direction de la deuxième entrée, celle appartenant à la communauté religieuse des Chanoines réguliers. Cette partie abrite le cloître, les jardins, les monuments les plus récents (XVIe-XVIIIe siècles) mais est aussi bien plus grande.

La partie privée

Là aussi la billetterie fait aussi office de boutique. La visite débute après avoir traversé la grande cour d’honneur du XVIIIe siècle. Ce premier bâtiment ne se visite pas, c’est là que résident les moines. En suivant les flèches, vous arriverez dans le cloître. Entre la cour d’honneur et le cloître, une vidéo d’une dizaine de minutes présente la vie quotidienne des chanoines. Fait amusant, durant cette vidéo, nous avons également pu voir les allées et venues des ouvriers travaillant à la restauration d’une pièce toute proche. Les travaux sont loin d’être finis !

Cour d’honneur, XVIIIe siècle

Le cloître actuel date également du XVIIIe siècle et a été construit sur l’emplacement du cloître du XIIe siècle. Le puits en son centre date du Xe siècle. On est ici au centre géographique de l’abbaye, le cloître relie toutes les parties du monastère : église, salle capitulaire, lingerie, réfectoire, hôpital, bibliothèque, dortoir,… Si vous êtes observateur, vous trouverez également quelle porte s’ouvre sur la partie publique.

Le Cloître
Le Cloître

Quand je visite, j’aime apprendre des choses nouvelles et notamment découvrir l’étymologie de mots. Par exemple, ici, le mot cloître. Le cloître est une partie sacrée dans un monastère. Le terme moine vient de monos en grec, qui signifie seul, séparé, le moine vit en retrait du monde derrière la clôture qui a donné le mot cloître. Cette séparation est symbolisée par la vie dans le silence du cloître qui facilite la quête spirituelle. Les premiers chrétiens, souhaitant se rapprocher de Dieu, quittaient les villes pour se retirer seuls, dans le désert. Aujourd’hui, le cloître symbolise ce petit désert. Entre les murs, seul le ciel est visible, symbole d’Éternité. Le jardin du cloître rappelle le paradis terrestre originel et préfigure également le paradis céleste. Le cloître est un haut lieu de méditation spirituelle et symbolise un espace intermédiaire entre le monde sacré et le monde profane(Je ne suis pas spécialiste sur ce sujet, ce paragraphe est librement inspiré du document que j’ai reçu lors de ma visite de la partie privée de l’abbaye.)

La visite se poursuit vers l’église abbatiale du XIIIe siècle, construite sur les fondations de la basilique carolingienne du VIIIe siècle. Cette église sert encore plusieurs fois par jour pour les messes et les prières de la communauté, les cérémonies sont également ouvertes aux fidèles.

Après la visite de l’église, nous voici à l’extérieur. Ici nous sommes au pied du clocher-tour de 42 mètres qui aurait dû atteindre 80 mètres! Pour des raisons de sécurité, l’ascension de la tour n’est pas possible.

La Tour-Clocher

Il ne faut pas non plus manquer le petit détour pour admirer le transept sud du XIe siècle.

Le transept sud

Hors les murs, se trouve le jardin monastique. Celles et ceux d’entre vous me connaissant savent que j’apprécie moi-même jardiner, à petite échelle sur mon balcon. Visiter un jardin est toujours un plaisir. Créé en 2005, ce jardin évoque les trois périodes de jardinage à travers trois tableaux : le jardin primitif des premiers ermites, le jardin médiéval et enfin le jardin Renaissance. Dans ce jardin, de nombreuses plantes y sont cultivées pour leur valeur symbolique et religieuse (iris, passiflore, lys,…). En dehors de l’abbaye, les Chanoines possèdent des jardins utilitaires : un verger planté d’oliviers et d’amandiers ainsi que d’une vigne. Le vin produit est d’ailleurs en vente à la boutique.

Le jardin monastique
Au premier plan: le jardin monastique. Au deuxième plan, de gauche à droite: le transept, l’église, la tour préromane, le dortoir
Le jardin monastique au premier plan, le village au second plan

Lors des deux visites, j’ai apprécié que des parallèles avec l’autre partie soient faits sur les plans ou dans les explications. Aux deux endroits, quand nous avons acheté les billets, nous avons été informés qu’il y avait deux parties indépendantes sur le site afin que notre visite soit complète.

Le village

J’ai beaucoup apprécié cette double visite. J’y suis allée fin septembre, il faisait encore bien chaud, l’été se prolonge longtemps ici. Avant et après la visite de l’abbaye, nous avons déambulé dans les petites rues du village. C’est absolument charmant.

Carnet pratique

La partie publique ayant un éventail d’horaires plus larges, je vous conseille vivement de commencer par celle-ci.

Partie publique: entrée via un petit parc, 4€. Ouvert tous les jours. Eté 10h-19h, printemps et automne 10h-18h, hiver 10h-17h. Plus d’information en cliquant sur ce lien.

Partie privée: entrée par le grand portail en fer forgé, 4€. Ouvert tous les jours d’avril à novembre de 15h15 à 18h, sauf le jeudi. Une semaine de fermeture en septembre. Hors saison, ouverture les samedis, dimanches et jours fériés. Plus d’information en cliquant sur ce lien.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la communauté des Chanoines réguliers: www.chanoines-lagrasse.com

Gardez bien en tête qu’il y a encore des travaux et que les étages ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Le village de Lagrasse est situé à 35 km (environ 40 minutes) de Carcassonne et 40 km (environ 45 minutes) de Narbonne. Routes sinueuses.

Attention, la rue de l’Abbaye est interdite à la circulation pour les non-riverains, trois parkings gratuits sont à disposition des visiteurs autour du village. Comptez entre dix et quinze minutes de marche entre le parking et l’abbaye.

D’autres abbayes dans la région : abbaye de Fontfroide, abbaye de Caunes-Minervois, abbaye de St Hilaire.

Après avoir déjà écrit sur Carcassonne et Leucate en 2017, je participe à nouveau aux articles thématiques de #EnFranceAussi en ce mois de mai. « Patrimoine religieux » est le thème du mois proposé par Plume du blog Expériences en famille.